
L’accord signé ce jeudi au Washington Institute for Peace marque une étape que Kinshasa présente comme l’une des plus importantes de son histoire diplomatique. Autour du président Félix-Antoine Tshisekedi et de son homologue rwandais Paul Kagame, plusieurs chefs d’État africains et arabes ont assisté à l’officialisation d’un texte censé faire basculer trois décennies d’instabilité dans la région des Grands Lacs vers un horizon plus pacifié. Le document, fruit de négociations soutenues et de fortes pressions internationales repose sur cinq engagements majeurs : respect absolu des frontières, cessation des hostilités, désengagement des groupes armés, intégration individualisée des ex-combattants et création d’un cadre de coopération économique régionale.
Cet accord arrive après des années d’impasse sécuritaire dans l’Est de la RDC, miné par la prolifération de groupes armés, dont le M23 soutenu par Kigali selon Kinshasa, les FDLR ou encore des dizaines de milices locales. Incapables de stabiliser la zone par la seule réponse militaire, les États-Unis appuyés par le Qatar et plusieurs partenaires africains ont accéléré la médiation, imposant pour la première fois un cadre contraignant auquel les deux pays s’engagent officiellement. Pour Washington, il s’agit autant d’un projet de paix que d’un mouvement stratégique destiné à sécuriser les corridors économiques et les ressources critiques de la région.
À Kinshasa, le gouvernement a tenu à préciser les lignes rouges encadrant cet engagement. Le porte-parole Patrick Muyaya et la porte-parole de la Présidence, Tina Salama, ont insisté sur trois principes intangibles : la souveraineté territoriale, la maîtrise nationale des minerais et l’absence totale de brassage ou mixage des groupes armés au sein des FARDC. Ils affirment que le texte ne prévoit ni cession de territoire, ni partage de ressources, ni intégration collective de combattants. Un plan opérationnel (CONOPS) doit désormais encadrer le retrait, la transition sécuritaire et l’amorce des mécanismes de coopération régionale.
Malgré la portée symbolique et diplomatique de la signature, les défis restent considérables : assurer le retrait effectif du M23, neutraliser les FDLR sans instrumentalisation politique, rétablir l’autorité de l’État dans les zones libérées et reconstruire des chaînes économiques exemptes de contrebande. L’accord de Washington ouvre une fenêtre d’espoir, mais sa réussite dépendra de la rigueur de son application et de la volonté des acteurs régionaux de rompre avec les cycles de méfiance et de rivalités. À Washington, les dirigeants ont scellé une promesse ; reste désormais à savoir si le terrain suivra.
Par Ben AMSINI
